Taxonomie Européenne Application : l’exemple d'une foncière immobilière

09 janvier 2023

La Taxonomie verte européenne appliquée à une foncière immobilière

Lancée en 2018 par la Commission Européenne, la Taxonomie propose une définition commune et fondée sur une approche systémique, de ce qu’est une activité économique durable d’un point de vue environnemental.

L’objectif ? Réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables, intégrer la durabilité dans la gestion des risques et lutter contre le greenwashing pour parvenir à la neutralité climatique à horizon 2050 (Accord de Paris).

Découvrez par l’exemple les principales étapes qu’une foncière immobilière (entreprise non-financière) déploie pour se mettre en conformité avec la Taxonomie européenne.

Taxonomie européenne : qu’est-ce que c’est ?

La pierre angulaire de la Taxonomie est d’apporter de la clarté aux investisseurs concernant les activités économiques qui peuvent être considérées comme durables d’un point de vue environnemental, autrement dit, celles qui n’aggravent pas le dérèglement climatique actuel.

Couvrant 10 principaux macro-secteurs déclinés en 88 activités économiques et passant au crible ces dernières au regard de 6 objectifs environnementaux, la Taxonomie européenne est considérée comme une « boussole environnementale » à l’échelle européenne.

Les 10 macros secteurs 

 

Les 6 objectifs environnementaux

  • 1

    Atténuation du changement climatique

  • 2

    Adaptation au changement climatique

  • 3

    Utilisation durable de l’eau

  • 4

    Déchets et économie circulaire

  • 5

    Prévention et réduction de la pollution

  • 6

    Protection de la biodiversité

A date (fin 2022), seuls les objectifs n°1 « Atténuation du changement climatique » et n°2 « Adaptation au changement climatique » ont fait l’objet d’un acte délégué, rendant officiellement applicable la Taxonomie Verte Européenne.

Définition de la Taxonomie, ce qu’il faut retenir :

  • 1er outil de transparence, pensé sous la forme d’un dictionnaire harmonisé à l’échelle européenne, avec un système de classification des activités économiques durables;
  • 1er règlement permettant de faire le lien entre l’aspect technique d’une activité économique considérée comme durable (critères techniques de l’activité de promotion à titre d’exemple) et la comptabilisation financière des investissements et revenus qu’elle génère (Chiffre d’Affaires, CapEx: dépenses d’investissement et OpEx : dépenses d’exploitation).

Taxonomie européenne : qui est concerné ?

La Taxonomie a pour ambition de guider les acteurs des marchés financiers à investir dans des activités économiques durables. Les entreprises n’ont pas l’obligation de s’aligner avec la Taxonomie et les acteurs des marchés financiers sont libres dans leurs choix d’investissement.

Néanmoins, le recours à la Taxonomie devient obligatoire à travers d’autres règlementations européennes. De cette manière, les acteurs suivants sont concernés par la Taxonomie :

  • Les états membres qui mettent en place des mesures publiques, des normes ou des labels pour des produits financiers ou des obligations vertes.
  • Les acteurs des marchés financiers qui mettent à disposition des produits financiers conformément au Règlement SFDR (fonds classifiés Article 8 avec objectif minimal d’investissement durable et Article 9)
  • Les entreprises non-financières qui sont assujetties à la publication d’une déclaration extra-financière (conformément à la NFRD et progressivement la CSRD).

Les seuils des entreprises non-financières assujetties par les deux textes :

NFRD (UE) :
Toutes les grandes entreprises cotées ou d’intérêt public :

  • De + 500 salariés ET
  • Avec un Bilan > 20 millions d’€ OU un CA > 40 millions d’€

DPEF (France) :
Mêmes seuils que ceux de la NFRD, ainsi que les entreprises non cotées :

  • De + de 500 salariés ET
  • Avec un Bilan OU un CA > 100 millions d’€

  • Toutes les grandes entreprises (et leurs filiales) respectant 2 des 3 critères suivants :
    • + 250 salariés
    • Bilan > 20 millions d’€
    • CA > 40 millions d’€
  • Toutes les entreprises cotées sur les marchés réglementés, sauf les micro-entreprises cotées
  • Toutes les PME cotées
  • Entreprises non européennes qui :
    • Génèrent + de 150 millions d’€ de CA net dans l’UE, ET
    • Ont au moins une filiale ou succursale dans l’UE

Taxonomie européenne : comment s’applique-t-elle à une foncière immobilière ?

Concrètement, la Taxonomie s’applique en 3 grandes étapes.

1. Etude de l’éligibilité des activités

Les entreprises non-financières doivent vérifier si les activités qu’elles exercent sont couvertes par la Taxonomie. Cette vérification se fait à partir des codes NACE (équivalent des codes NAF français, au niveau européen) de manière indicative et plus spécifiquement à partir des descriptions provenant des actes délégués de la Taxonomie, relatifs aux critères d’examen technique (SCC & DNSH).

Une foncière immobilière, dont le métier est d’acquérir et détenir des bâtiments dans le temps, doit regarder quelles parts de ses activités peuvent potentiellement être vertes, c’est-à-dire éligibles à la Taxonomie. Concrètement, cette identification doit se traduire par les indicateurs suivants : part des loyers (CA), part des dépenses d’investissement dans le développement, la rénovation ou l’acquisition de nouveaux immeubles (CapEx) et part des dépenses d’entretien (OpEx) éligibles à la Taxonomie.

Depuis le 1er janvier 2022

Obligation taxonomique pour les foncières cotées assujetties à la NFRD (et progressivement à la CSRD) :
Publication des indicateurs d’éligibilité à la Taxonomie pour les deux premiers objectifs environnementaux

Attention, « éligibilité » ne veut pas dire « durabilité ». Cette étape d’éligibilité ne présage pas la durabilité réelle d’une activité économique. Une activité dite « alignée » est considérée comme durable, comme précisé dans la suite de cet article.

2.    Etude de l’alignement des activités

Les entreprises non-financières doivent ensuite confronter leurs activités éligibles avec les critères d’examen technique de la Taxonomie, pour savoir si elles peuvent être qualifiées de durables ou non. Le cas échéant, elles sont alors dites « alignées » à la Taxonomie.

Cette étape se décompose elle-même en 3 sous-étapes :

  1. Vérification de la contribution substantielle de l’activité à un objectif environnemental (Substantial Contribution Criteria: SCC), au niveau de l’activité (de construction / rénovation / gestion de bâtiments que peut avoir une foncière immobilière), voir titre 2.1
  2. Vérification de l’absence de préjudice notoire causé par cette activité sur les 5 autres objectifs environnementaux (Do No Significant Harm: DNSH), au niveau de l’activité (de construction / rénovation / gestion de bâtiments que peut avoir une foncière immobilière), voir titre 2.1
  3. Vérification du respect d’un socle de normes sociales minimales (Minimum Safeguards) au niveau de l’entité, voir titre 2.2

2.1    Critères d’examen techniques

Pour une foncière immobilière, dont le métier est d’acquérir et détenir des bâtiments dans le temps, cela va consister à vérifier le respect des DNSH et des SCC au niveau :

  • De ses projets de construction: étude selon l’activité 7.1 Construction de bâtiments neufs
  • De ses projets de rénovation: étude selon l’activité 7.2 Rénovation de bâtiments existants
  • De ses bâtiments en exploitation : étude selon l’activité 7.7 Acquisition et propriété de biens immobiliers

Ce travail nécessite une bonne connaissance technique de son portefeuille immobilier ainsi qu’une compréhension fine des critères d’examen technique (DNSH & SCC) de la Taxonomie Verte Européenne.

Greenaffair accompagne des acteurs immobiliers dans cette étape technique de mise en conformité via la réalisation de grilles d’évaluation de l’alignement à la Taxonomie, par typologie d’activité (7.1, 7.2 ou 7.7). Les exigences taxonomiques de ces grilles disposent d’équivalences en règlementations nationales et en pratiques de place (certifications environnementales, différents benchmarks en matière de performance énergétique, etc.).   En fonction des caractéristiques du projet immobilier ou du bâtiment (construit avant ou après le 31/12/2020, tertiaire ou résidentiel, d’une surface inférieure ou supérieure à 5000 m², etc.), les grilles contiennent en moyenne une dizaine de critères d’examen technique qui, appliqués à chaque actif immobilier, permettent de dire si ce dernier est aligné ou non à la Taxonomie et quel est son potentiel d’alignement.

Il convient de préciser ici que la Taxonomie Verte Européenne est un texte récent et technique, pensé à l’échelle d’un continent. Il se peut qu’il existe une pluralité d’interprétations opérationnelles de certains critères. Pour cette raison, les équipes de Greenaffair restent actives auprès des institutions de place sur les sujets de durabilité, notamment auprès de l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID).

2.2 Garanties sociales minimales

Enfin, il ne faut pas oublier la vérification du respect des Garanties Sociales Minimales (Minimum Safeguards). Ce travail est à réaliser au niveau de l’entité et non pas au niveau des activités d’une entreprise.

La Plateforme sur la Finance Durable, qui est l’organe qui conseille la Commission Européenne, a publié le 11 octobre 2022 un rapport final sur les Garanties Sociales Minimales, composé de recommandations visant à aider les acteurs économiques à appliquer l’article 18 du Règlement (UE) 2020/852(texte structurant de la Taxonomie).

Etant donné que ce rapport final a été publié la veille de l’échéance de mise en conformité avec la Taxonomie (1er janvier 2023), il est probable que les foncières immobilières ne répondent pas amplement aux recommandations.

Selon l’AMF (Eclairages sur le premier reporting taxonomie des sociétés cotées) :

  • Les OTI (Organismes Tiers Indépendants) en face n’auront pas d’avis motivé à rendre sur « la conformité et la sincérité des informations taxonomie » après revue des DPEF, en 2023.
  • Les CAC (Commissaires aux Comptes) vérifieront quant à eux l’existence d’informations liées à la Taxonomie et pourront formuler une observation ou signaler une irrégularité dans la section « vérifications spécifiques » du rapport sur les comptes consolidés. Cette vérification concerne donc particulièrement la publication d’indicateurs clé de performance (ICP) liés à la Taxonomie.

3.    Réalisation du reporting financier

Une fois l’étude de l’alignement technique faite, les entreprises non-financièresdoivent répondre à l’obligation de reporting d’un point de vue financier, au regard de la Taxonomie.

Plus précisément, le texte indique qu’il faut publier des informations quantitatives et qualitatives sur la manière dont les entreprises non-financières sont alignées.

3.1  Les informations quantitatives

Les informations quantitatives correspondent aux ICP : Indicateurs Clés de Performance. Ils permettent de quantifier la part des activités qui sont considérées comme durables d’un point de vue environnemental.

Un foncière immobilière fait partie de la catégorie d’acteurs « entreprises non-financières » de la Taxonomie. En effet, les ICP varient selon la catégorie d’acteurs concernés par la Taxonomie.

Pour les entreprises non-financières, comme dans notre cas d’étude : une foncière immobilière dont le métier est d’acquérir et détenir des bâtiments dans le temps, la Taxonomie a défini 3 indicateurs pertinents :

  • Part du chiffre d’affaires (CA) alignée ;
  • Part des dépenses d’investissement (CapEx) alignée ;
  • Part des dépenses d’exploitation (OpEx) alignée.
    Les entreprises non-financières, dont les foncières immobilières peuvent faire partie, sont exemptées du calcul du numérateur de l’ICP si ce type de flux est considéré comme « non matériel » pour le modèle d’affaires de la société.

Ces trois indicateurs sont à publier distinctement pour chacune de ces 3 typologies d’alignement à la Taxonomie :

  • Un alignement direct : Cela concerne les activités 7.1 Constructions neuves et 7.7 Acquisition et propriété, dans le secteur de l’immobilier / du bâtiment.
    Activité qui contribue directement à un objectif environnemental de la Taxonomie.
  • Un alignement via une activité transitoire : Cela concerne l’activité 7.2 Rénovation, dans le secteur de l’immobilier / du bâtiment.
    Activité qui n’a pas d’alternative bas carbone sur les plans technologique et économique mais qui contribue à l’objectif n°1 Atténuation du changement climatique de la Taxonomie.
  • Un alignement via une activité habilitante : Cela concerne les activités 7.3 à 7.6 et 9.3 de la Taxonomie, pour le secteur de l’immobilier / du bâtiment.
    Activité qui permet directement à d’autres activités de contribuer à un objectif environnemental de la Taxonomie (installation, maintenance et réparation de pompes à chaleur, etc., à titre d’exemple pour l’activité immobilier / bâtiment).
Reporting financier : comment calculer les ICP taxonomiques ?

Retrouvez ci-dessous une illustration des formules de calcul des trois ICP taxonomiques :

a) Le Chiffre d’affaires (CA)

Le revenu de la foncière immobilière provient des loyers qu’elle perçoit.

Ainsi, pour calculer l’ICP CA, tous les loyers perçus sur des actifs alignés par rapport à l’ensemble des revenus, doivent être étudiés. Autrement dit, pour pouvoir comptabiliser du CA aligné, il faut identifier au sein de son parc immobilier, les bâtiments qui valident les critères d’examen technique (SCC et DNSH) de l’objectif n°1 Atténuation du changement climatique.

Il convient de préciser que la texte de la Taxonomie ne prévoit pas d’ICP CA aligné sur l’objectif n°2 Adaptation au changement climatique

b) Les dépenses d’investissements (CapEx)

Les foncières immobilières doivent vérifier si leurs dépenses d’investissement sont incluses dans la définition donnée par la Taxonomie (illustration ci-dessus).

Au numérateur de l’ICP, 3 typologies de CapEx peuvent être comptabilisées :

  1. Toutes dépenses liées à un bâtiment aligné.
  2. Toutes dépenses investies pour permettre (i) l’expansion du parc immobilier aligné ou (ii) l’alignement futur de bâtiments existants, dans le cadre d’un plan CapEx.
    Il est important de noter que le plan CapEx doit être réalisé sous 5 ans et être validé par l’organe de direction de la foncière immobilière.
  3. Certaines dépenses bien précises, qui sont individuellement alignées (activités habilitantes).

Au dénominateur de l’ICP, toutes les dépenses d’investissement, autrement dit les dépenses immobilisées (à l’exception des immobilisations financières) au bilan de la foncière immobilière, sont à comptabiliser.

c) Les dépenses d’exploitation (OpEx)

Le processus est le même que pour les dépenses d’investissements (CapEx).

Une fois que la foncière a calculée ces 3 indicateurs, elle doit les publier dans son reporting extra-financier. La Commission Européenne met à disposition un template obligatoire pour les différents acteurs concernés (annexe II) par la Taxonomie.

3.2  Informations qualitatives

Enfin, et en complément des ICP, l’entreprise non-financière doit publier des éléments narratifs explicatifs au sujet de :

Il convient d’apporter une description relative :

  • Aux activités éligibles et aux activités alignées à la Taxonomie,
  • Aux activités non éligibles, selon l’ESMA et l’AMF,
  • À la méthodologie utilisée pour déterminer les activités alignées,
  • À la stratégie mise en place pour éviter le double comptage.

Il convient d’apporter une explication relative :

  • Aux hypothèses retenues pour calculer les numérateurs et les dénominateurs des ICP,
  • A la correspondance faite avec les publications financières,
  • Aux plans CapEx mis en place et notamment à la réorganisation faite au regard de l’année précédente en cas de changement important du plan
  • Au calcul des ICP au regard de l’exercice précédent, si la méthodologie a évolué, pour des raisons de comparabilité.

Il convient d’apporter une description relative :

  • Aux différentes ventilations quantitatives des ICP,
  • Aux plans de CapEx, et notamment aux objectifs environnementaux poursuivis, aux activités économiques concernées, à l’échéance temporelle d’atteinte de l’alignement à la Taxonomie,
  • A l’exemption du calcul du numérateur de l’ICP OpEx.

Taxonomie européenne : Comment Greenaffair peut vous accompagner ?

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